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Lorsque je suivais mes cours de pharmacie à la faculté, j'avais Jean-Marie Pelt comme professeur... Son talent, son érudition, sa façon de voir les choses ont fait que je me suis intéressé très tôt à cette discipline. J'ai commencé par travailler dans son laboratoire en tant qu'étudiant puis, à la fin de mes études, comme je partais en coopération au Yémen en en tant que pharmacien-chef de laboratoire dans une mission médicale française, il m'a proposé un sujet de thèse sur la médecine traditionnelle. Là bas, j'avais donc deux objectifs : mon travail hospitalier et le recensement du savoir des guérisseurs.
Vous avez donc fait avant tout un travail de terrain...
Lorsqu'on s'intéresse aux médecines traditionnelles, il y a deux aspects complémentaires mais différents.
Le premier, c'est le travail de l'ethnologue qui doit essayer de comprendre comment fonctionne le système thérapeutique traditionnel... Il faut qu'il puisse réécrire sur papier toute la tradition orale ou reprendre la tradition écrite si elle existe et décortiquer le système de santé. En quoi croient les gens ? Quelles sont les causes des maladies ? Comment se représentent-ils le corps ? Comment conçoivent-ils les traitements ?... Il faut étudier toutes les notions de pathologie, de psychologie, etc... Comprendre la maladie, sa classification, appréhender le système de santé, c'est l'approche ethnologique. Il faut une formation d'ethnologue pour bien aborder ce type de sujet... J'ai eu la chance, sur place, de rencontrer une anthropologue américaine qui avait comme sujet de thèse "la compréhension de la médecine traditionnelle"
Le deuxième aspect, sur le terrain, c'est de récolter l'ensemble des plantes, des minéraux ou des substances d'origine animales, qui sont utilisées pour soigner. Il faut les récolter, les identifier et recenser comment on les utilise... Est-ce que telle plante doit être cueillie fraîche ? Comment doit-on doit la sécher ? Comment prépare-t-on le médicament ? Qu'utilise-t-on comme solvant ? Faut-il une infusion ou une macération à froid ? Combien de temps doit durer le traitement ?... Tous ces éléments sont à noter car ils ont tous leur importance.
Et après, c'est le travail en laboratoire ?
D'une certaine façon, la première partie, c'est le terrain avec le travail de l'anthropologue et de l'ethnobotaniste... Après, à partir de toutes ces données de terrain et des plantes récoltées, on utilise un outil moderne -la pharmacologie- pour savoir si les plantes ont l'activité qu'on leur indique.
Par exemple, si les tradipracticiens se servirent de telle plante contre les affections du foie, en laboratoire, nous allons essayer de voir sur un modèle cellulaire ou sur un animal si cette plante est active ou non.
L'ethnopharmacologie, c'est coupler le terrain avec le laboratoire !
Si la plante est efficace, va-t-on essayer de synthétiser ses molécules actives ?
Ce n'est pas systématique... Cette démarche existe pour l'industrie pharmaceutique et elle a donnée naissance à de nombreux médicaments : aller rechercher dans la tradition des plantes actives, se demander quel est le support de l'activité, isoler la molécule chimique et si on peut, la refaire par synthèse. Mais, dans notre cas, la démarche est un peu différente. Nous nous arrêtons à la validation d'une activité pharmacologique de l'extrait... Nous n'allons pas au-delà, nous n'allons pas jusqu'à identifier les principes actifs parce que c'est une démarche qui est longue, coûteuse et qui nécessite une étroite collaboration avec l'industrie.
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