|
MENU |
|
|
Ce texte peut être transposé, presque mot à mot, dans l'univers de la création scientifique.
Sur l'esthétique (T) |
Par cette première démarche, oscillant entre tâtonnements et raisonnement logique, l'auteur nous avoue qu'il est incapable de trouver la solution... Il est donc également incapable d' "apprendre " à une machine à résoudre ce problème !
Devant l'échec répété dans la résolution de ce problème, le chercheur change soudain de stratégie, se laissant guider par l'intuition : " Pour une raison que j'ignore, je me suis soudain mis à tracer des droites sur une feuille de papier. J'ai tracé cinq droites au hasard et j'ai compté leurs intersections. J'ai été surpris de constater que chaque droite avait quatre intersections et qu'il y avait au total dix intersections. Il suffirait ensuite de mettre une pièce sur chaque intersection ). J'avais résolu le problème sans m'en être rendu compte. D'où venait ce succès ? J'avais changé l'énoncé du problème. Au lieu de chercher à aligner les pièces, je me suis mis à tracer des droites. Le nouveau problème peut être formulé ainsi :
Tracer cinq droites de façon à ce que chacune rencontre les quatre autres droites et qu'il y ait au total dix points d'intersection. "
Qu'avait donc fait l'auteur pour trouver la solution ? Il s'était libéré d'un carcan de contraintes comme se limiter à des alignements orthogonaux ou parallèles, etc. Il était donc passé de l' " esprit d'analyse " à l' " esprit de géométrie ", plus proche de l'intelligence profonde, mais hélas bien difficile à " mettre dans une machine ".
En lisant ce passage, parce que je trouvais élégante et belle la solution, j'ai eu envie d'essayer de la généraliser, d'explorer autour.
Cette curiosité innée d' "explorateur " n'est pas systématique, je ne l'éprouve que lorsqu'il me semble que, parce qu'il est beau, un problème mérite une exploration plus profonde... Dans de telles situations, j'ai même souvent la certitude de découvrir quelque chose d'intéressant et de beau. Il y a une forte corrélation entre ce sentiment de beauté et la certitude d'une découverte potentielle.
J'ai donc cheminé librement autour de ce petit dessin, trouvant qu'il ressemblait à une étoile. Comme celle du Petit Prince, elle sut m'apprivoiser. J'ai alors " visité " le voisinage de ce problème librement : que se passait-il si je traçais non pas cinq mais quatre ou six droites ? Dans une telle démarche, on ne cherche plus à résoudre un problème, on explore. On ne sait pas trop ce que l'on cherche, puisque l'on ne cherche rien !
Très vite, j'en suis arrivé à un tableau qui analyse les situations à deux droites, à trois droites, à quatre droites, etc.
Nous avons donc, quel que soit le nombre de droites en intersection, une relation unissant le nombre de droites N, le nombre d'intersections de chaque droite N-1 et le nombre total d'intersections (Nx (N-1))/2.
Ainsi, tous les nombres de chaque ligne du tableau sont bien reliés par une formule simple. Mais n'existerait-il pas une formule, encore plus générale, qui relierait la totalité des nombres du tableau, non plus au niveau local de chaque ligne, mais au niveau global du tableau ?
Toujours " sans savoir ce que je recherche ", mais guidé par ce sens esthétique qui, en mathématique, consiste à relier, à généraliser et à unifier, je m'aperçus que la totalité des relations entre droites et intersections du tableau étaient contenues dans la Tetractys de Pythagore.
Soit le rang p de la Tetractys : par exemple, p=4.
Le nombre de droites est donné par le cumul de la ligne suivante p+1 dans la Tetractys, par exemple : au rang p=4, N=5 pour 5 droites (a).
le nombre d'intersections par lignes est donné par le cumul de la ligne de rang p : exemple p=4 => 4 intersections (b).
Le nombre total d'intersections est la somme cumulée de la Tetractys de son début jusqu'à la ligne de rang p incluse : ainsi pour p=4, on aura 1+2+3+4=10 intersections au total.
Ainsi, en passant d'une situation où nous recherchions quelque chose à une situation où nous nous contentions d'explorer, nous avons pu trouver ce quelque chose et, comme pris au jeu, plus encore.
De ce petit exemple, vécu par moi-même, j'ai voulu vous faire partager cet émerveillement : celui du " chercheur qui trouve parce qu'il ne cherchait rien ", mais simplement parce que, trouvant le problème Beau, il a " papillonné " autour jusqu'à la découverte...
La vraie recherche fondamentale, c'est celle où on ne recherche... rien ! Guidé, simplement, par l'esthétique et l'instinct du Beau...
Sur l'Inconscience... (T) |
Nous devons donc beaucoup plus miser sur la recherche fondamentale. Mais qui donc peut le comprendre en dehors des chercheurs eux-mêmes ? Veulent-ils d'ailleurs le comprendre ? Car la recherche fondamentale bien que plus excitante est aussi plus frustrante et parfois plus désespérée que la recherche appliquée.
Ainsi le chercheur fondamental est un pilier incontournable de tout progrès des sciences. Mais la recherche fondamentale est indissociable d'une quête permanente du beau pouvant même aller jusqu'à une certaine inconscience... Ce chercheur fondamental doit-il donc être une sorte d'Artiste ?
Peut-on laisser la " sérieuse science " entre les mains " d'artistes de la science " ? N'en déplaise à certains, la réponse est oui ! Drôle de paradoxe...
Sur l'antiscience... (A) |
Ainsi, le deuxième aspect d'une science peut-être défaillante est celui de son rapport avec les savoirs anciens. Isabelle Stengers et Ilya Prigogine l'ont fort bien remarqué dans La nouvelle alliance. Voici un court extrait de leur réflexion :
" L'histoire des sciences n'a pas la simplicité attribuée à l'évolution biologique vers la spécialisation, c'est une histoire plus subtile, plus retorse, plus surprenante. Elle est toujours susceptible de revenir en arrière, de retrouver, au sein d'un paysage intellectuel transformé, des questions oubliées, de défaire les cloisonnements qu'elle a constitués, et surtout, de dépasser les préjugés les plus profondément enracinés, même ceux qui semblent lui être constitutifs. "
Prenons l'image de randonneurs qui avancent le long d'un chemin, le chemin de la science... Certains vont vouloir toujours aller de l'avant. D'autres n'hésiteront pas à rebrousser chemin, à se baisser afin de ramasser une connaissance passée qui n'intéresserait plus personne, puis à avancer de nouveau, riches de cette connaissance.
C'est bien évidemment plus le chercheur " fondamental " que le chercheur " appliqué " qui pourra adopter ce second comportement du randonneur peu pressé. Deux exemples vont nous permettre de mieux comprendre cette attitude.
Benoît Mandelbrot, dans ses conférences, nous explique que son remarquable travail de recherche sur les fractales a pu aboutir grâce à la convergence de trois facteurs :
-l'émergence, vers les années 70, des premières possibilités graphiques des ordinateurs ;
-le fait d'avoir disposé, à IBM, d'une liberté totale de recherche ;
-le fait, je cite, " d'être allé fouiner dans les poubelles de la science " d'anciens travaux de mathématiques auxquels pratiquement plus personne ne s'intéressait (Poincarré, Jean Perrin notamment).
Le second exemple concerne le nombre d'or. On lui a collé une étiquette dépréciative en accumulant des préjugés subjectifs et irrationnels, allant même jusqu'à le qualifier de " mythe ". Cela a conduit les principaux intéressés, à savoir les spécialistes des mathématiques pures, à totalement s'en désintéresser. Alors, en venant par un tout autre chemin (le décryptage de l'ADN, les liens entre théorie du chaos et mathématiques fractales), je redécouvre que le nombre d'or est une constante universelle très importante... aussi fondamentale que PI !
Alors, au delà de l'oubli de sciences d'antan, cette sorte d'amnésie peut même parfois conduire à une désinformation, voir au mensonge... mensonge même pas calculé et prémédité mais inconscient et involontaire. Expliquons ce cas précis du Nombre d'or : pour les anciens, tels que Pythagore, Euclide ou Platon, le nombre d'or était l'une des rares constantes universelles. Kepler écrira même qu'il constitue, avec le théorème de Pythagore, l'un des deux joyaux de la géométrie. Même le grand Léonard de Vinci sera intrigué par les propriétés esthétiques du nombre d'or... Pourtant, au fil du temps, l'image du nombre d'or va dériver doucement vers l'ésotérisme, l'alchimie et l'irrationnel. Vers l'antiscience, en quelque sorte... On ne l'enseigne plus à l'université, parce qu'il " sent le soufre ". Lorsqu'on en parle parfois au détour d'un exercice de mathématiques (une épreuve de l'examen BEPC pour être précis), on en taira le nom, par pudeur probablement.
Dans le livre récent de Marguerite Neuveux (" Le nombre d'or, radiographie d'un mythe ", Ed. Seuil), l'auteur critique un usage abusif du nombre d'or en peinture, à juste raison parfois.
Exploitant ce livre, on pourra lire, dans la page sciences du Figaro, l'affirmation de l'inexistence de toute trace du nombre d'or dans le chef d'oeuvre de Vinci " L'homme bien fait ". Or je viens de démontrer (voir figure) très exactement le contraire : Vinci a voulu, par cette oeuvre, nous communiquer une relation forte reliant PI à PHI, le nombre d'or... Il y a donc eu oubli et amnésie de la part des scientifiques. Mais pire encore : dans un magazine s'adressant aux jeunes adolescents, " Science et Vie Junior " (dans un numéro spécial sur les nombres), on titre en couverture " L'arnaque du nombre d'or ", et on y avance encore les mêmes arguments concernant Vinci. Ici, cela devient plus grave car une information fausse va engendrer un préjugé et un a-priori chez les jeunes, ce qui est culturellement faux et pédagogiquement très grave... Philosophe, l'article conclura " on doit laisser les mathématiques aux seuls mathématiciens ! " Or à l'origine de cette désinformation, il y a... le livre d'une historienne, critique d'Arts !
SUR L'ETHIQUE... (G) |
Dans le doute être inventif
Le TNF ou facteur nécrosant des tumeurs est un petit gène de quelques centaines de bases qui, comme l'interféron ou l'interleukine, permet d'aider le système immunitaire à augmenter ses défenses face aux cancers. Le corps humain produit naturellement ces diverses protéines. Pour stimuler les défenses de l'organisme, il peut être nécessaire d'aider ce dernier en injectant des TNF "externes". Il s'agit en général de TNF humain. La voie du génie génétique permet aussi de produire artificiellement des TNF. Dans ce cas, comme nous l'avons vu en 3,3 à propos de l'interleukine, les rendements de tels procédés restent très faibles. Alors, sachant que ce gène se retrouve chez d'autres mammifères, et le lapin en particulier, la tentation peut être grande de le récupérer chez ce dernier pour soigner l'être humain.
Vers le début de ma recherche sur le supra-code, j'ai donc eu la curiosité d'étudier le supra-code de différents TNF, dont ceux de l'homme et du lapin. Ces deux tnf n'avaient pas tout à fait le même nombre de bases, celui du lapin, légèrement plus long, possédait
cependant dans ses parties communes les mêmes séquences d'acides aminées que le TNF humain. Je fus alors très impressionné par une structure de résonnance très supérieure chez le TNF du lapin. Si l'on suggère qu'un fort volume de résonnances signifie peut-être une "meilleure expression" du gène, on peut penser qu'un traitement de l'homme par le TNF du lapin (naturel ou produit par la biotechnologie) augmenterait l'efficacité du traitement.
Lorsque j'eus cette idée, bien que très loin de son application, je réfléchis beaucoup à la portée d'une telle décision. Cela d'autant plus que ce "mélange génétique d'espèces" pourrait très bien être inoffensif à court terme mais dangereux à long terme (dégénérescence génétique, effets papillon). Un tel cas est vécu depuis des dizaines d'années par des millions d'êtres humains : il s'agit du traitement quotidien du diabète par l'insuline. Les rendements d'insuline humaine produite par génie génétique étant très mauvais, on continue massivement d'extraire l'insuline des pancréas d'animaux et de sauver ainsi de nombreuses vies humaines. On constate pourtant que ces insulines animales créent des effets secondaires désagréables et contraignants et il ne s'agit là que d'effets secondaires immédiats. Que savons-nous d'éventuels effets à plus long terme ?
Mais revenons à notre tnf DES LAPINS. J'imaginais déjà la naissance de futurs humains aux grandes oreilles et réfléchissais donc à d'éventuelles manières de contourner le problème. Mon cheminement fut le suivant :
1. Les gènes de la classe TNF stimulent les défenses immunitaires, on a donc intérêt à "doper" l'organisme par apport extérieur de TNF.
2. Les gènes TNF existent dans différents organismes vivants, dont l'homme et le lapin.
3. L'étude des résonnances met en évidence un supra-code de l'ADN très supérieur chez le lapin que chez l'homme.
4. On serait tenté de traiter l'homme avec le TNF de lapin, dans la mesure où supra-code et efficience du gène sont corrélés.
5. Il se pose un grave problème bio-éthique.
6. Nous intégrons cette contrainte en affinant la recherche vers des voies de compromis : nous observons alors que la séquence protéique (acides aminés) du TNF humain est incluse (au sens des ensembles) dans la séquence protéique TNF du lapin, elle-même plus longue.
7. Nous décidons donc de tester le supra-code d'un gène chimère qui respecterait la séquence protéique du TNF humain mais dans lequel, pour un même acide aminé, on substituerait le codon TNF lapin au codon TNF humain.
8. Ce gène serait parfaitement conforme, tant au niveau biologique qu'au niveau éthique.
9. On observe que le supra-code de ce gène chimère est effectivement inférieur à ce lui du lapin mais supérieur à l'homme.
On peut alors s'interroger sur le niveau d'inoculation de ce gène chez l'homme. Par exemple, si on envisage le niveau évolué (non possible à ce jour) d'une véritable thérapie génique, où ce gène serait inoculé à l'homme, on peut penser que des restrictions dites d' "usages de codons" au niveau des ARN de transfert enrayeront le succès de cette greffe car les codons de substitutions sont probablement abondants chez le lapin mais rares chez l'homme... A moins de faire produire des TNF par le lapin lui-même ou bien par biotechnologie.
Nous voyons ici comment la science, éthique et science-fiction peuvent se rencontrer. Cependant, le point très positif de cette étude est que la réflexion bio-éthique stimule la créativité scientifique, contraignant le chercheur à plus d'imagination et à rechercher les seules solutions viables à long terme et "limpides" au sens de sa responsabilité.
Le lecteur pourra s'étonner (ou se réconforter) en voyant ici comment, même, au stade de la lointaine et abstraite recherche fondamentale, des questions de BIO-ETHIQUE peuvent empêcher le chercheur de dormir sur ses deux oreilles. Tel fut le cas ici...
Dans le même esprit, quand notre ami Joel STERNHEIMER a fait la préface de mon livre "L'ADN DECRYPTE : LE SUPRA-CODE DE L'ADN", nous nous sommes posés d'interminables questions à propos de ma "musique des gènes" (disponible en CD audio)... Avions-nous le droit de mettre à disposition des fragments de cette musique ? En particulier la musique d'oncogènes impliqués dans des cancers... Cette musique risquait, selon l'individu de provoquer des effets aussi nocifs que bénéfiques !
Ici encore, il s'agissait d'une phase, très en amont, de recherche fondamentale...
A un certain moment je me suis demandé si, en poussant aussi loin notre réflexion responsable et bioéthique, nous n'étions quelque peu "bargeot", utopiste ou marginaux ? En fait, nous menions là une véritable réflexion bioéthique et, hélas, c'était la majeure partie de la communauté scientifique qui restait "légère", voire irresponsable, vis à vis de ces grandes questions que notre ami Jean-Marie PELT nomme "principe de précaution"...
.