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Synthése du XIX Festival21 AU 25 JANVIER 1997 A CAVAILLON |
- Changer le monde...
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Dès maintenant de nombreuses initiatives pédagogiques peuvent être mises sur pied, en s'inspirant de celles qui fonctionnent déjà (Steiner, Freinet, lycées expérimentaux, etc.), ce qui motiverait tant les enseignants que les élèves. Ceci inclurait les matières traditionnelles ainsi que les multiples activités d'éveil, afin de développer la sensibilité artistique, le travail d'équipe, le développement corporel, etc.
Cela se passerait plus simplement si au lieu d'émaner d'une énorme structure centralisée et autoritaire, les choix éducatifs se fondaient sur la concentration, à différents niveaux : national, régional, local, et dans l'école même. Mais avant tout, une concertation doit s'opérer à tous ces niveaux. Cette concertation a de surcroît l'avantage de rapprocher l'éducation de la citoyenneté, en rendant chacun responsable.
L'instruction ne suffit pas. Il faut redécouvrir le plaisir d'apprendre. Dans la possibilité de rendre ce droit à chaque élève se trouve la seule véritable égalité des chances. Pour cela, il faut reconnaître la singularité de chacun, et changer de fait le rapport entre les divers partenaires : parents, enfants, enseignants. Il faut à tout prix éviter le dogmatisme. Pour cela, il est nécessaire que les différentes parties prenantes acceptent toutes de revoir leur copie, tâche visiblement fort ardue. Plutôt que de chercher des coupables, il s'agit d'élaborer un projet en commun en agissant chacun selon ses possibilités.
La raison d'être de l'éducation aujourd'hui est la préparation à la vie sociale, à l'intégration dans le système économique. Le scolaire est lié à l'économique, et de fait au politique, en terme des débouchés, des orientations, des financements. Un premier grand problème en découle : les espérances les plus légitimes paraissent flouées à cause de la crise. Deux degrés de responsabilité sont mis en cause : manquements du politique, stagnation et inertie des structures administratives.
En France, par rapport à d'autres pays voisins, pour des raisons historiques, structurelles et culturelles, les enjeux sociaux de l'éducation sont énormes, avec deux conséquences principales. Un avantage : une grande préoccupation du public et du politique pour cette question. Un inconvénient : la lourdeur et le manque de flexibilité de la pyramide éducative.
Deux types de transformation sont à envisager, impliquant simultanément le politique, l'économique, et l'éducatif.
-Au niveau national tout d'abord :
2. Renforcer les décisions économiques qui engagent les entreprises à aider les jeunes.
3. Reconversion du fond de formation professionnelle afin de créer des emplois.
4. Eclater la structure monolithique de l' Education Nationale, bien qu'il reste la question de savoir comment s'articulerait ensuite le processus de décision.
5. Lancer un programme de formation professionnelle; par exemple revaloriser l'apprentissage, ce qui associerait les entreprises à l'éducation comme cela se passe en Allemagne
3. Favoriser les initiatives pédagogiques, les initiatives locales en tout genre, ce qui implique de réduire les blocages administratifs.
4. Lancer tout de suite des projets éducatifs simples, par exemple la fabrication d'un journal, activité qui encourage le travail d'équipe, le sens de l'initiative, etc....et prépare à la vie active.
Une grande problématique de fond reste à être pensée. Entre inculquer une culture générale et théorique, et former des individus à un emploi, où se trouve l'équilibre ? Deux écueils nous guettent : la théorisation dogmatique et l'utilitarisme. Une tentative de solution serait de créer des structures scolaires plus dynamiques qui favoriseraient l'état d'esprit adéquat à l'insertion professionnelle, c'est-à-dire repenser l'école comme une micro-société.
L'exemple des Systèmes d'Echange Local (S.E.L.) apporte une nouvelle vision du travail, et avant tout des relations qu'il crée. Pour Nicole Guilloteau, Présidents du S.E.L. de Paris, confiance, échange et créativité sont les 3 mamelles du S.E.L. On retrouve le sens du local, le sens de l'échange.
On ne peut pas envisager de changer concrètement nos vies sans changer chacun d'entre nous, nos comportements en tant que travailleurs, consommateurs et producteurs : il faut changer nos façons d'échanger. Le travail ne doit pas être réduit à l'insertion sociale où tout se réduit au métier que l'on a. On est plombier, instituteur, docteur, mais on n'est pas un être.
Le vrai problème, c'est de respecter les rythmes de chaque individu, et peut-être songer à organiser un système qui permette, après des années de travail, de prévoir une année sabbatique.
" Travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler " : le slogan peut paraître utopique, mais il souligne la nécessité d'un changement radical de notre vision avant de pouvoir envisager des réformes.
Passons du local au global, pour voir comment un changement radical de la vision du travail peut s'insérer dans une situation internationale de plus en plus complexe.
Marcel Locquin souligne d'emblée que nous sommes 5 milliards et demi de terriens, plus ou moins 300 000. Nous ne sommes plus dans la spirale infernale de Malthus, on a cessé de croître, et la fécondité de l'homme a baissé de 57.5 % depuis 1972. " Si on explique aux tenants du progrès qu'à partir de maintenant, il n'y a plus de progrès et de croissance de la masse d'hommes et de femmes qui habitent sur terre, cela va changer leur rapport à l'économie, explique Alain Mamou-Mani. Il faut un nouveau regard sur le capitalisme. On peut prendre l'économie en main. "
Jean-Michel Servet, professeur de sciences économiques, souligne qu'aujourd'hui, les pauvres sont devenus " inutiles " : ils ne servent même plus de volants de réserve pour le chômage et pour faire pression sur les salaires. Ils ne servent même plus comme Rédemption pour les riches. Nous sommes loin d'une économie au service de l'individu. Il faut donc faire crédit à nouveau aux pauvres, ce crédit qui a la même racine que la " confiance ". Il faut créer un droit nouveau qui permette d'assurer de la naissance à la mort d'un individu un revenu minimum pour manger et se loger.
Le développement durable (élaboré par Mme Bruntland, après le sommet de Stockholm en 1972 et la commission qui s'appelle " Our Common Future ") est un concept très important qui peut répondre aux exigences actuelles, puisque c'est l'arbitrage entre l'urgence du court terme et le souci à long terme des générations futures.
Mais cette affaire illustre un autre problème : " en réalité, tout va très vite, note Jean-Marie Pelt. Partout et dans tous les domaines. Il y a cinq ans, on aurait parlé de plantes transgéniques, de télévision numérique, de téléphones portables, comme des objets d'un futur lointain. Mais dans notre société, le seul futur qui existe, c'est le futur antérieur. Ca va tellement vite qu'à peine une idée est lancée que déjà elle est incarnée. Il est très surprenants que l'on n'ait pas posé ces questions avant. C'eût été plus sage qu'on ait expérimenté avant. Pour qu'un médicament sorte, il faut une AMM et quand il y a une AMM les risques sont quand même nettement diminués par les tests qui ont été réalisés pendant des années. "
Au rang des solutions possibles, la notion de développement durable va plus loin qu'un simple rélfexion sur un " développement économique ". Alain Mamou-Mani l'a défini ainsi : c'est utiliser les ressources illimitées du cerveau humain pour gérer avec intelligence les ressources limitées de la Terre.
Si cette définition est connue des Nations Unies où elle fait autorité, dans les états, on entend encore le très vieux discours sur la croissance, avec l'idée que la croissance va reprendre, qu'il va y avoir une reprise, une relance. " Quand vous regardez Anne Sinclair et que vous écoutez le défilé des responsables politiques de notre pays, note Jean-Marie Pelt, chacun fait inévitablement son bout de discours sur la croissance, la reprise, l'économie qui va redémarrer et grâce à laquelle le chômage va s'effondrer. Le problème, c'est que personne ne croit à ces incantations, et tout le monde a compris depuis le club de Rome il y a 25 ans qu'il n'y a plus de beaux jours pour la croissance en Occident."
" Nous sommes obligés d'inventer un autre système économique fondé sur d'autres base, ajoute-t-il, et l'approche dite du développement durable avec des énergies renouvelables, etc., est une approche écologique sympathique qui montre que les idées écologiques ont quand même évoluées dans le monde international et en tout cas au niveau de l'ONU. "
Cette notion de développement durable est intéressante parce qu'elle tient compte de la personne humaine et qu'elle ose affirmer cette idée révolutionnaire : l'homme vaut plus que l'économie. " Ce n'est pas l'homme qui est au service de l'économie, c'est l'économie qui est au service de l'homme. " Et par conséquent lorsque l'économie devient oppressante et destructrice de l'homme comme elle l'est de plus en plus souvent, alors il faut revoir nos fonctionnements.
En matière de santé publique, par exemple. Il est absolument nécessaire, a souligné Corinne Lepage, de développer l'épidémiologie sur le lien environnement et santé : la morbidité aujourd'hui est très largement liée au mauvais environnement, des maladies comme le cancer continuent à augmenter malgré les dépenses vertigineuses consacrées à cette recherche, l'asthme est une maladie qui se développe, les accidents pulmonaires se développent, (ce qui est lié à la pollution de l'air), les effets sur la santé des produits chimiques sont pour la plupart inconnus .
Il y a donc là un champ considérable d'expériences, de réflexion et d'actions à mettre en place. Cela suppose bien entendu que l'on raisonne à long terme, qu'on fasse des politiques audacieuses de prévention. Pour l'instant, on a fait surtout de la thérapeutique. Mais la prévention nécessite que l'homme politique n'ait pas seulement devant lui la fin de son mandat, qu'il ait devant lui aussi des perspectives à long terme.
Autre problème de l'homme politique : celui de la prise de décision. Doit-il uniquement se fonder sur des rapports d'experts ? Les récentes affaires de santé publique ont démontré que non. Une idée a été proposée de créer une tribune officielle où des avis de contre-experts seraient donnés sur tel ou telle affaire en cours de débat. " Ce n'est que de la confrontation des apports de ces fameux experts qu'on pourrait voir surgir quelque chose qui ressemble un peu à de la lumière, remarque Jean-Marie Pelt. Cette idée qu'ont si souvent eu les hommes politiques : " l'expert a dit donc c'est bien ",est une idée extrêmement dangereuse. Mais cette idée est en train de mourir. Marchons vers des confrontations loyales d'experts devant des assemblées de citoyens et d'élus.
Quelques orientations : privilégier dans la pratique la prévention sur le traitement pour faire émerger des concepts radicalement nouveaux, nous réapproprier notre corps pour en conscience prendre en charge notre propre santé, repenser la santé avant de penser la maladie pour panser le monde.
Tirer les leçons du futur de notre passé pour relativiser les futurs de notre présent, sans regret et surtout sans bloquer nos désirs légitimes d'agir et de créer pour notre bonheur individuel, gage de bonne santé pour l'humanité.
" Le peuple a oublié la démocratie, remarque Christian Boiron, la base a oublié qu'elle est le pouvoir. Le pouvoir n'appartient pas à ceux qui sont au pouvoir. Abandonnons cette attitude d'attente, cette attitude passive pour entrer dans une attitude d'action. Posons-nous la question : qu'est-ce que je peux faire ?
Chacun est co-responsable, chacun détient une parcelle de pouvoir, le pouvoir d'achat : ce que nous lisons, ce que nous regardons à la télé, ce que nous écoutons à la radio, ce que nous consommons, ça vaut un bulletin de vote. "